Entretemps, entre les temps

 

Photo Credit : Lia Calleri

 

Dans le train, j’ai pensé à deux figures dont je suis follement amoureuse. Il leur suffit ma présence éphémère lorsque leur désir charnel surgit, le temps ambitieux ne s’enchaîne pas entre nous.
Lorsque je suis rentrée, ma mère dans l’écran m’a lu un poème qu’elle avait rédigé ce matin. Un devoir pour son atelier d’écriture. Elle cherchait toujours des activités pour faire passer le temps. Nous n’avons pas la même notion de la valeur du temps.                                              
J’ai peur de perdre mon temps, elle, peur de se perdre dans le temps. (…)

Extrait d’Anecdote 2, Entretemps, entre les temps (distribution texte, réalisé dans le cadre de l’exposition Aller-Retour, Belsunce Projects, Marseille, 2018)

 

Aujourd’hui la lumière est belle dans le salon.
Je ferme mes yeux mais je la ressens toujours, qui traverse doucement mais forte le rideau de soie blanche.

Ce niveau de luminosité et la température de la pièce sont idéaux pour faire jaillir les créatures du passé, une par une, qui vivent dans mon chaos.
Maintenant je ne suis plus là.
Je suis ailleurs.
Je suis ici,
Et ce déplacement me permet enfin de penser à toi, qui es toujours là-bas.
Je me permets de penser à toi librement, autant que je veux, car dorénavant c’est légitime.
Je tâtonne ton visage avec mes bouts de mémoire floue, dessine ta ligne en espérant recréer ta forme.
C’est comme la lumière. Même si je ferme mes yeux, je sens toujours sa présence dans l’obscurité. Vivant, mais évaporable. Toutes ces sensations disparaîtraient si seulement on se retrouvait et que la distance s’estompait.
Parfois, c’est cette distance physique qui nous fait réaliser notre propre distance relationnelle. Elle nous facilite à définir des choses entre nous, qu’on n’osait pas faire lorsque nous étions tous les deux,  là.

Texte autour de Aller-Retour, 2018